Un jour que nous lisions ensemble un livre sur les mnémonistes – les spécialistes des techniques de mémorisation – Yann s’est arrêté pour me dire : « Tiens, ça t’irait bien de faire un spectacle autour de la mémoire et des livres. »

 

Étant comédienne, autrice, lectrice compulsive et captivée par les singularités cognitives de tout bord, je me suis immédiatement reconnue dans cette idée. Je me suis saisie de cette invitation avec enthousiasme. Ma nature passionnée s’est emballée et ce sujet est devenu une obsession. 

 

L’hyperthymésie, ou hypermnésie est la maladie qui consiste à ne rien pouvoir oublier. C’est un terrible fardeau qui handicape fortement les personnes atteintes – une trentaine de cas connus à ce jour dans le monde.

 

Solitude, difficulté à vivre au présent et à créer des relations, incapacité à synthétiser une pensée et donc à construire des raisonnements, enfermement dans une forme de rumination, synesthésie, sont autant de défis que peuvent rencontrer les différentes personnes qui en sont atteintes.

Comment être en mesure de trier ses souvenirs, quand son métabolisme impose un syndrome de diogène mental? 

 

Il nous a semblé que cette question pouvait être un bon point de départ pour créer une histoire.

 

Rapidement, nous nous sommes interrogés sur le potentiel impact positif de la fiction dans le quotidien d’une personne souffrant d’hyperthymésie, en partant de ce postulat : Lire, c'est choisir les histoires qui nous constituent. Écrire, faire le tri dans ses souvenirs.

 

Par ailleurs, l’intérêt d’une collaboration avec Yann Frisch était de pouvoir penser un projet théâtral employant le langage de la magie pour convoquer des effets de réel, et provoquer un trouble chez le spectateur.

L’actrice qui joue la personne souffrant d’hyperthymésie, est-elle dotée d’une mémoire extraordinaire ? Où commence la fiction ?

C'est tout cela que nous souhaitons aborder dans la création d'Echapper à soi.

 

Un spectacle que nous espérons difficile à oublier.